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Le triomphe du jeu vidéo “Counter-Strike” masque la présence de casinos en ligne illégaux, une source d’addiction pour les plus jeunes.

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La sortie d’une nouvelle édition du célèbre jeu vidéo devrait stimuler le marché des “skins”, des biens virtuels qui incitent les amateurs à dépenser des sommes considérables sur des plateformes normalement interdites en France.

« Je n’avais que 15 ans et je me retrouve comme un toxico à parier des centaines d’euros sur des sites polonais, russes, ukrainiens ». S’il n’avait pas traversé l’enfer de l’addiction aux jeux d’argent, il aurait fait comme des millions de passionnés de Counter-Strike : attendre fébrilement la sortie du dernier volet, CS2. Celui-ci a enfin été mis en ligne à la fin de septembre, après des mois de suspense orchestrés par Valve, l’éditeur du jeu, qui excelle dans l’art de maintenir ses fans en haleine.

Il est crucial de comprendre l’ampleur de cet événement. Né en 2000, ce jeu de tir à la première personne est devenu un véritable culte parmi les joueurs, tout en restant fidèle à un concept à la fois simple et efficace : les terroristes d’un côté, les antiterroristes de l’autre, et que le meilleur gagne, de préférence avec élégance, grâce aux “skins”, ces ornements virtuels pour les armes qui ont été introduits avec la sortie de CS: GO (Counter-Strike Global Offensive) en 2012.

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Les skins comme des jetons de casino

Ici, une arme violette ornée d’un imposant éclair. Là, une kalachnikov aux couleurs roses et jaunes éclatantes ou un couteau tranchant maculé de sang. Grâce à ces objets d’un réalisme saisissant, utilisables dans le jeu, Valve promet de faire vivre à ses joueurs les sensations interdites du trafic d’armes sur le marché noir, tout en évitant de les exposer à des dangers réels dans des entrepôts obscurs.  « Je suis directement tombé amoureux du jeu et j’ai découvert l’univers des skins, c’était fabuleux » se souvient Matthias, âgé de 21 ans.

Très rapidement, des sites tiers tels que CSGORoll, Hellcase et Farmskins sont apparus, offrant des réglementations moins contraignantes pour faciliter l’échange de skins. Initialement, c’était le marché de départ. Cependant, avec le temps, ces sites, devenus une source de revenus considérable, ont évolué pour devenir de véritables plateformes de jeux de casino en ligne, illégales en France mais facilement accessibles pour les internautes.

Les joueurs peuvent obtenir ces skins en participant à des parties dans le jeu ou en ouvrant des boîtes à butins, ce qui les rend extrêmement attractifs et uniques. Aujourd’hui, les skins Counter-Strike sont devenus un élément essentiel de tous les jeux en ligne respectés. Ils ont rapidement gagné en popularité en raison de leur caractéristique unique : ils peuvent être achetés, échangés et monnayés sur la plateforme Steam, détenue par Valve. Dans le monde fascinant de l’économie de marché, les biens les plus rares deviennent immédiatement les plus précieux. Le record actuel ? Un magnifique AK-47 StatTrak Tier 1 Case Hardened, motif Blue Gem, vendu à 400 000 dollars.

Sur l’écran, les couleurs vibrantes et l’appât du gain ont un effet hypnotique. « J’ai toujours un surplus de dopamine et d’adrénaline quand je joue », confie Alexander, 17 ans. La règle tacite de ces sites ? Ne jamais lasser le joueur, l’inciter à réinvestir encore et encore ses skins. Garfield, un trentenaire fan de CS: GO qui avait arrêté de parier pendant un certain temps avant de replonger, se souvient d’une mise collective entre les joueurs. Tout repose sur la chance, mais surtout sur la fréquence des participations. « Il s’agit d’un pot commun dans lequel un groupe ajoute des sommes différentes. Plus tu mises, plus tu as de chances de remporter le pot. J’ai déjà vu des sommes monter à plus de 50.000 euros. »

À l’intérieur, l’ambiance est similaire à celle d’un casino, proche de l’affluence du casino d’Enghien-les-Bains, le plus fréquenté de France. Les sites de paris en ligne sont devenus extrêmement populaires parmi les amateurs de jeu, certains enregistrant jusqu’à 40 000 visiteurs simultanés. La plupart des utilisateurs sont très jeunes, voire mineurs. « Les sommes n’étaient pas astronomiques, mais le fait de jouer avec des sommes équivalentes aux salaires d’adultes alors que j’avais quitté le collège il y a quelques mois, ça m’était inconcevable », se souvient Matthias.

Pourtant, il n’y a pas de cheat code pour expliquer le succès de ces sites. Lorsqu’un visiteur se rend sur un site de paris en ligne lié au jeu CS: GO, l’expérience est similaire à celle d’un véritable casino. D’un côté, vous avez les machines à sous, de l’autre, les roulettes, et au fond, les tables de black jack. Les visiteurs apportent quelques fonds et repartent avec soit une petite fortune, soit moins que ce qu’ils ont investi. Cependant, ici, les jetons de casino sont remplacés par des armes de guerre hautement personnalisées, ornées de flammes et de dragons.

Il est difficile d’imaginer que les sites ne planifient pas leur stratégie. Par exemple, sur CSGO Luck, le “top drop” affiche les meilleurs investissements de la journée. “Cheeky” a misé 2,59 $ sur une caisse et a remporté 189,25 $, tandis que “Pakk” a misé 2,99 $ sur un autre butin pour gagner 143,11 $. Face à de telles sommes gagnées avec si peu d’investissement, il est difficile de ne pas être tenté. « J’ai tout de suite accroché, je jouais des petites sommes au début et ensuite j’ai gagné énormément d’argent environ 15.000 €. C’est là où j’ai commencé à craquer, de jouer de plus en plus, avec toujours cette envie d’augmenter les mises pour gagner encore plus », raconte Axel, 26 ans, qui est tombé dans cet engrenage il y a six ans. Alexander, qui admet avoir commencé à jouer à l’âge de 11 ans, fait aujourd’hui un bilan. De 2020 à 2023, il estime avoir perdu plus de 15 000 €, dont 7 000 € volés à ses parents.

L’addiction précoce aux jeux d’argent

Pour de nombreux utilisateurs, le cercle vicieux des paris en ligne est également alimenté par l’absence de contrôle de l’âge des visiteurs. Lors de l’inscription, contourner l’interdiction pour les mineurs d’accéder aux sites est en réalité très simple. La seule barrière est la case « je confirme avoir plus de 18 ans », qui s’avère plutôt perméable. De ce fait, de nombreux jeunes sont entraînés très tôt dans le monde des jeux d’argent. « J’ai énormément joué il y a quelques années lorsque j’avais 14-15 ans », admet Julien, aujourd’hui âgé de 22 ans, qui considère avoir développé une addiction. « Heureusement pour moi, je n’avais pas accès à un compte en banque, ce qui me limitait énormément. »

Cela ne l’a pas empêché de trouver des astuces pour financer ses skins, notamment en les achetant avec des cartes prépayées PaySafeCard, disponibles dans n’importe quel bar-tabac. « Je considère que pour un jeune adolescent, j’ai beaucoup perdu. 300 à 400 € de ma poche sur deux ans », regrette-t-il aujourd’hui.

Julien a réussi à mettre un terme à son addiction, mais d’autres peinent davantage, malgré les effets néfastes sur leur santé mentale. « Le stress de parier et les pertes affectaient mon quotidien », déplore Matthias. La même chose est vraie pour Axel, devenu accro aux machines à sous de CS : GO, qui lutte pour sortir de ce cercle vicieux, pris au piège du marketing agressif des casinos en ligne. « Ces sites en général profitent des faiblesses des joueurs. Après un temps sans avoir joué, ils vous envoient des mails, des SMS. Puis, ils offrent des « skins » gratuits, vous ajoute 20 € sur votre compte. C’est un cercle vicieux et c’est malheureusement très compliqué d’en sortir. »

À seulement 21 ans, Tom, qui a découvert les sites à un jeune âge, à 15 ans, confirme : « Ils incitent tous à dépenser de l’argent régulièrement afin d’obtenir un bonus quotidien, qui force à revenir sur le site tous les jours pour obtenir une petite récompense. »

Un blocage plus rapide, mais un phénomène méconnu

Malgré leur interdiction en France, ces sites continuent d’opérer. Seuls certains opérateurs en ligne sont agréés par l’Autorité nationale des jeux (ANJ), tels que Winamax ou Betclic. L’ANJ confirme que « Tous les sites de casino en ligne sont illégaux. La licence internationale de casino en ligne n’a aucune valeur légale reconnue ». Cependant, certains sites ont trouvé des moyens de contourner les règles et tentent de se présenter comme légaux « afin de faire croire au joueur qu’il peut jouer en toute sécurité ». Les sites de paris en ligne liés à CS: GO en sont un exemple parfait. Ils évitent d’utiliser le terme “pari en ligne” et préfèrent se décrire comme des plateformes d’échange.

Les employés de l’ANJ, basés à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine), travaillent donc à détecter ce qu’ils considèrent comme des offres de jeux d’argent en ligne et à bloquer les sites s’ils sont jugés illégaux. Bien que l’ANJ éprouve des difficultés à traiter les casinos en ligne en raison de son manque de connaissance de la scène CS: GO, elle compte sur les utilisateurs pour signaler les sites frauduleux et les neutraliser.

De plus, son pouvoir de blocage s’est renforcé. Auparavant, la procédure judiciaire pour désactiver les sites prenait trop de temps, de six à neuf mois pour suspendre un seul site. Depuis le 2 mars 2022, la loi “Démocratiser le sport” a introduit le blocage administratif. Désormais, les agents se font passer pour de simples joueurs pour constater si les sites sont illégaux ou non, en se basant sur le triptyque suivant : espoir de gain, sacrifice financier et hasard. Le blocage ne prend alors que quelques jours. Gaëlle Palermo-Chevillard, coordinatrice du département de lutte contre l’offre illégale à l’ANJ, déclare : « En un an et demi, on a quasiment accompli ce qu’on faisait avant en dix ans ».

Selon cette spécialiste des contenus illicites, l’industrie des jeux d’argent est particulièrement habile à attirer un public jeune. « Le jeu d’argent non autorisé, c’est une industrie en plein renouveau et c’est perpétuel. Les sites illégaux n’hésitent pas à faire appel à ce qui parle aux jeunes, voire aux mineurs, comme par exemple le manga ou le gaming. Cette volonté marketing de la part des opérateurs illicites s’avère particulièrement dangereuse en termes sanitaire et social. »

La relation trouble entre les éditeurs de jeux et les casinos en ligne

L’éditeur de Counter-Strike est-il directement impliqué dans cette industrie ? En 2016, Valve a été poursuivi aux États-Unis par Michael John McLeod, un amateur du jeu, ainsi que par trois autres sites, CSGO Diamonds, CSGOLounge et OPSkins. Ils ont été accusés d’avoir favorisé un “marché de jeu en ligne illégal”. Après plusieurs années de procédure, Valve a été blanchi. Sur certains sites, tels que Hellcase, on peut lire la mention suivante en bas de page : “Aucune affiliation avec Valve Corp.” Valve, qui entretient une relation plutôt mystérieuse avec cet écosystème, n’a pas souhaité répondre à vos questions.

En 2016, Valve avait demandé la suppression de certains sites, mais de nombreux autres continuent d’exister sous le radar. La plupart de ces sites sont basés dans des territoires où les réglementations sont très laxistes, comme les îles de Chypre, de Malte ou de Curaçao. Parmi la quinzaine de plateformes de casino en ligne que vous avez contactées, aucune n’a répondu à vos sollicitations malgré vos questions précises, notamment sur la protection de leurs utilisateurs et la légalité de leur licence.

L’investissement massif de la scène CS: GO

Au-delà des skins, l’ensemble de l’écosystème de CS: GO repose sur le financement des casinos en ligne. Ces casinos soutiennent à la fois les influenceurs et les tournois. Lors du Major de Paris en mai dernier, l’équipe G2, l’une des plus compétitives, était sponsorisée par le site CSGORoll, qui avait même installé des machines à sous au cœur de l’Accor Arena. Gauthierlele, un streameur sponsorisé par le site Farmskins, explique : « Ce sont ces sites-là qui mettent l’argent et qui aident la scène à bien se développer ». Cependant, cette omniprésence ne fait pas l’unanimité. Lors de cet événement, un joueur régulier du jeu avait protesté contre CSGORoll en collant sa main sur la machine à sous, qualifiant le site de “frauduleux”. Il avait rapidement été encerclé par la sécurité avant d’être gentiment escorté vers la sortie. Ce joueur n’était pas un simple militant, il avait des liens avec un site concurrent.

Les premières fissures dans l’écosystème de CS: GO pourraient être causées par la politique plus restrictive des plateformes. Twitch, qui avait longtemps fermé les yeux sur le parrainage peu discret des streameurs par des casinos en ligne, a décidé d’agir à partir du 1er octobre.

Désormais, les streameurs n’ont plus le droit de promouvoir ou d’être parrainés par des sites de paris en ligne. Cela pourrait avoir un impact significatif sur leurs revenus, car les streameurs les plus suivis en France sont tous associés à des sites de casino en ligne. Ces influenceurs servent principalement à attirer de jeunes joueurs avec des codes promotionnels ou des bonus offerts par leurs partenaires. Nous sommes loin de l’innocence initiale du jeu : collectionner des autocollants pour personnaliser ses armes et impressionner la concurrence dans Counter-Strike.

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